Hier matin, pendant trois heures, dans la salle d'étude
du collège, un silence aussi pur qu'un flocon de neige
a saisi les deux légions de troisième.
Ayant répondu de toute sa force de vie à l'invitation
de madame Mermoud, professeur d'histoire, monsieur
Christian Desseaux, résistant de la première heure et
déporté à Buchenwald, est revenu sur un parcours où
l'humour, codé pour rassembler le réseau dans la forêt
de Compiègne (les rondelles de saucisson s'arrosent
au vin blanc) ou semé contre le "retour à la terre" imposé
par Pétain (on a pissé sur les légumes que nous devions
cultiver) et l'amour de l'autre, tué parce qu'il est le dernier
à porter sa pierre à l'arrivée, inoubliable squelette dans le tunnel
de Dora (j'ai dormi entre les morts, ai ramassé des cadavres dont
les os se brisaient comme du verre), hurlant à la face de la liberté
(seul dans le train du retour, en voyant les paysages de la guerre
enterrée, j'ai pleuré, pleuré, pleuré tous mes copains disparus),
subirent l'effroi et la douleur qui faisaient la joie de la barbarie
(les Allemands buvaient des coups devant les exécutions, se
délectaient à l'aube de notre peur d'être gazés).
Les amis de la fondation pour la mémoire de la déportation
savent que la conscience de notre monde ne laissera jamais
revenir la bête immonde comme la bave au sourire.