Dans le cadre du pacte lié à la littérature
orale (orature, devrait-on plutôt dire),
Nadine Decourt et Jean Porcherot ont
ouvert pour nous la fenêtre qui associe
tradition et transmission.
Le respect, la compréhension de l'histoire
ne suffisent pas à transformer l'essai de
l'écrit ; il faut encore apporter la pierre de
sa propre culture et l'envie de la partager,
de tout son coeur et de tout son corps,
avec un public, dont la présence constitue
aussi une part du chemin.
Un conte peut ainsi connaître bien des
variantes et servir parfois d'élément
déclencheur à d'autres histoires.
Pour souvenir (sourire?) ...
Un pêcheur s'installe au bord d'une rivière ; il espère
qu'une truite arc-en-ciel voudra bien remonter
le courant ; tout à coup, il aperçoit un crâne,
se demande à voix haute "qui a amené ce crâne ici?"
et se mord les lèvres quand il entend :
"C'est la parole qui m'a amené ici."
Boulerversé, il se précipite au palais de Belmont-
Tramonet afin d'en rendre compte au Seigneur
de l'Avant-pays savoyard. C'est l'heure de la sieste,
mais les grandes oreilles se lèvent...
"Messire ! il y a un crâne qui parle au fil de l'eau !"
- Allons boire ses paroles ; si tu mens, ta tête
entendra le fil de l'épée.
Les voici sur place, le pêcheur retrouve le crâne
et lui demande : "Prouve ta parole à mon Seigneur."
Mais tout est à taire, le crâne garde le silence et
la tête du pêcheur le rejoint au milieu des roseaux.
Le Seigneur s'éloigne, le crâne se rapproche...
- Eh, tête, qui t'a menée ici?
"La parole."
"Moralité" : la parole peut faire perdre la tête
et le silence enrichir la chute de l'histoire.