Dans un temple de la consommation moderne,
j'aurais pu choisir un téléphone étanche à donner
à une personne africaine, mais en bon Européen
avare de ses bouées de sauvetage j'ai préféré
me jeter à l'eau d'une autre dépense...
"Je fouille dans mes poches, instinctivement. Et là...
Et là, oui, là : miracle ! Je sens mon portable !
Oui, miracle ! En temps normal je ne le garde
jamais sur moi ! Jamais ! Il est toujours rangé
là où je stocke mes bouts, dans le cockpit.
Je retrouve l'espoir. J'ai acheté ce téléphone
étanche avant de partir en croisière vers l'Algérie.
Était-ce une intuition ? Avant de tomber, j'ai longé
la côte de l'île d'Elbe. Le temps était calme alors
que je venais de passer une nuit épouvantable
à manœuvrer entre les îles, avec un vent fort
et une mer agitée. Fatiguée, j'avais profité d'une
accalmie pour passer les coups de fil habituels ;
j'avais du réseau le long de l'île. Comment souvent
lorsque je suis seule, je fais en sorte de rassurer
ma famille et mes amis. J'avais regardé ma position
et, machinalement, j'avais glissé mon portable dans
ma poche. Geste que je ne fais jamais d'ordinaire.
Dans la confusion et la panique, j'ai oublié que j'avais
gardé ce téléphone sur moi. L'espoir renaît. L'effroi
se transforme en peur."
Florence Arthaud, "Cette nuit, la mer est noire".
Sa maman jointe au bout du fil de l'eau, la première
et unique femme vainqueur en solitaire de la Route
du Rhum en 1990 n'imaginait pas alors qu'un jour
de téléréalité le ciel de sa vie deviendrait noir.
Mardi prochain, une cérémonie lui sera dédiée
au large de Cannes. Un texte sera lu devant le monastère
cistercien de l'île Saint-Honorat et des roses blanches
seront jetées à la mer.